BIOGRAPHIE

Céline Dion et Jean-Marie Tremblay

 

Texte de Christine Martel

lu à la présentation de Jean-Marie Tremblay

au Gala de l’Ordre du Bleuet, le 19 novembre 2021



Il existe, au Québec, une bibliothèque que l'on dit remarquable pour trois raisons : c'est une gigantesque collection de livres et de documents complètement dématérialisée ; elle est, jusqu’à ce jour, en croissance continue et échappe aux contraintes d'espace qui affectent ce genre d’institution ; elle est accessible de partout dans le monde. L'entreprise Les Classiques des sciences sociales est le fruit d’un travail colossal réalisé, depuis au moins trente ans, grâce à plus de 400 000 heures de bénévolat, et c’est le sociologue Jean-Marie Tremblay qui en est l’idéateur et le gardien. 


Ce professeur à la retraite allie, en une seule personne, les qualités d'un moine médiéval, d'un encyclopédiste du siècle des Lumières et d'un jeune de la génération Internet. Son souci de justice sociale doublé de son besoin d’indépendance et de liberté accompagnent l’idéaliste dans cette aventure intellectuelle se perpétuant, comme il le souhaitait dès le départ, durablement et positivement, de façon efficace et avec enthousiasme.


Jean-Marie Tremblay naît le 23 août 1948 à Jonquière. Pour en finir avec les réponses toutes faites que les adultes lui servent constamment, dès l’âge de 10 ans, il veut savoir pourquoi les choses sont ce qu’elles sont. Précoce, à 16 ans, il rêve de devenir missionnaire, puis abandonne à cause du vœu d’obéissance. Mais il n’oublie pas l’idée d’aider, de rendre service, de contribuer à réduire les inégalités sociales. Révolté et choqué des injustices qui l’entourent, d’une grande curiosité et acceptant difficilement l’autorité, il comprend que la sociologie lui donnera peut-être certaines des réponses aux questions qui le taraudent et le libre arbitre qu’il recherche. Il sera sociologue, c’est décidé. Comme il vient d’un milieu ouvrier où l’on trime dur, le jeune homme apprend à besogner fort et à ne jamais abandonner, ce qui lui servira toute sa vie. Rapidement, essayer d’expliquer les comportements humains et l’évolution des sociétés, ne lui suffit plus. Ses ambitions n’ont déjà plus de limites !


Après une maîtrise en sociologie à l’Université d’Ottawa, le jeune diplômé enseigne au département des sciences humaines du Cégep de Chicoutimi, de 1977 à 1993. Professeur associé à l’UQAC, il produit un grand nombre d’ouvrages ainsi que du matériel pédagogique pour l’enseignement de la sociologie au collégial, en plus de nombreuses bases de données de recherche en sciences humaines pour ses étudiants. S’il est déterminé à donner le goût à ses protégés de comprendre l’humain et les problèmes inhérents à sa socialisation, il imagine toujours étendre sa pensée dans le monde entier. Avec Alain Massot, avec qui il partage une amitié de plus de 50 ans, il travaille pour que la science, qu’il porte dans son cœur et en haute estime, ne soit jamais une réponse préfabriquée et doctrinaire, mais une discipline qui ouvre sur le monde.


En 1993, à l’âge de 45 ans, Jean-Marie a l’impression de retrouver son âme, à une époque bénie où les nouvelles technologies permettent enfin la redistribution des connaissances. Son éternel projet paraît invraisemblable, car la situation du libre accès aux publications scientifiques est loin d’être ce qu’elle est aujourd’hui. Plusieurs étapes sont alors nécessaires pour la création d’une édition numérique : la numérisation, le traitement des illustrations, la préparation et l’uniformisation des fichiers pour favoriser une lecture facile, la correction de toutes les coquilles, la mise en page du document avec les écrits et les illustrations ainsi que sa diffusion, et bien d’autres encore plus complexes. Devant les obstacles, certains avancent avec prudence et surmontent un à un les aléas qui se présentent sur leur chemin. Y a-t-il d’autres manières de déplacer des montagnes ?


Les motivations de l’altruiste sont nobles et audacieuses, et sa quête est olympienne : laisser un héritage culturel à ses enfants et aux générations à venir, par l’intermédiaire d’une banque de textes informatisés et à la portée de tous ; faciliter un accès gratuit à des réflexions d’auteurs incontournables, à n’importe quel francophone dans le monde, sans droits à payer ; rendre disponibles des ouvrages qui ne doivent pas être oubliés. Comme un coopérant international, ou un copiste du Moyen Âge qui retranscrirait les textes latins pour la postérité, il aspire plus que tout à partager cette ressource intellectuelle aux possibilités illimitées, tout en permettant à sa région de rayonner et d’être mieux connue. De 2003 à 2017, plus de 62 millions d’œuvres ont été téléchargées sur le site. Dans les dernières années, en plus de l’Amérique du Nord et de l’Europe, on note un accroissement des consultations, particulièrement en Afrique francophone, en Haïti, aux Philippines ou en Chine. Et ça continue !


En 1989, le chercheur émérite reçoit du ministre de l’Éducation du Québec une Mention spéciale pour l’ensemble de son œuvre pédagogique et, en 2005, le prix Laure-Gaudreault du Mérite scientifique régional. En 2013, il est nommé Chevalier de l’Ordre national du Québec pour ses réalisations, ses valeurs et ses idéaux qui ont marqué l’évolution et le rayonnement du Québec, dans l’ensemble des espaces francophones. De nombreuses autres reconnaissances bien méritées s’ajoutent au tableau d’honneur de l’homme de convictions.


Est-il meilleur héritage que celui qui donne accès à la connaissance universelle ? Aujourd’hui retraité de l’enseignement, Jean-Marie Tremblay travaille, enfin, à temps plein au développement de sa bibliothèque numérique avec le soutien indéfectible de sa conjointe Diane Brunet. S’il souhaite y œuvrer encore jusqu’à au moins 90 ans, et léguer la suite des choses à sa fille Émilie, c’est peut-être pour faire mentir George Orwell et sa célèbre dystopie, 1984, où un régime totalitaire considère redoutables l’éducation et l’esprit critique. Grâce à la diffusion des richesses écrites et visuelles qui composent une partie du patrimoine culturel de l’Humanité, les ressources indispensables de cette gigantesque entreprise contribueront encore longtemps à ouvrir les portes de l’avenir, là où tous les humains, riches de leurs savoirs, pourront enfin prendre leur destinée en main. C’est peut-être un rêve de plus, mais ce n’est pas impossible. Les fabulations de certains visionnaires ne deviennent-elles pas souvent réalité ?



1 commentaire:

Unknown a dit...

Quel plaisir de lire cet élogieux hommage adressé à un sage que j'ai l'honneur de connaître personnellement. Oui, Jean-Marie Tremblay mérite amplement la reconnaissance de la communauté formée par ceux qui recherchent le savoir non pour satisfaire des besoins matériels individuels mais pour aider l'humanité et la rendre plus heureuse par le développement de la conscience, de la justice et de l'altruisme que permet la connaissance des hommes et des sociétés.
Jean-Marie Tremblay accomplit un exemple d'humanisme que l'on se doit de faire connaître et de suivre.
Bernard Dantier


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L'intensité et la qualité de la vie culturelle et artistique au Saguenay-Lac-Saint-Jean est reconnue bien au-delà de nos frontières. Nos artistes, par leur talent, sont devenus les ambassadeurs d'une terre féconde où cohabitent avec succès toutes les disciplines artistiques. Cet extraordinaire héritage nous le devons à de nombreuses personnes qui ont contribué à l'éclosion, à la formation et au rayonnement de nos artistes et créateurs. La Société de l'Ordre du Bleuet a été fondée pour leurs rendre hommage.La grandeur d'une société se mesure par la diversité et la qualité de ses institutions culturelles. Mais et surtout par sa volonté à reconnaître l'excellence du parcours de ceux et celles qui en sont issus.